Les dictons et les prévisions ... - Œuvre du Marin Breton

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Les dictons et les prévisions …
L'observation météorologique demeure une composante essentielle de la météorologie moderne et cette composante est même indispensable tant pour la connaissance des conditions d'un site que pour la prévision. En mer, il est indispensable de savoir se positionner par rapport à un événement météorologique, et en particulier une perturbation atmosphérique, afin d'en affiner l'heure de passage, que cet événement soit du reste bien ou mal prévu.

À l'observation, cela se vérifie !

« Voir est une faculté, regarder est un art »
G. Perkins Marsh

© Article de Claude Fons publié dans l’Almanach du Marin Breton 1988

Pour aider la tâche de l’observateur en mer, un certain nombre de dictons ont franchi les siècles et nous apportent encore aujourd’hui, pour certains d’entre eux, tout le savoir des anciens.“Le vieux a beaucoup navigué, profite de son savoir”, recommande le dicton. C’est ce que nous allons essayer de faire en citant nombre de proverbes marins et en expliquant leur signification par rapport à l’observation de différents phénomènes météorologiques.

Il est bon de rappeler brièvement son déroulement (Fig.n° 1).

Fig.n°1 - Position des numéros des dictons par rapport à une perturbation

À l’arrivée d’une perturbation, et en dehors de tous les phénomènes météorologiques qui y sont liés, les premiers nuages à apparaître, hauts dans le ciel, sont les Cirrus (Fig. n°2).

Fig.n° 2 - Cirrus

Ce sont des nuages situés en moyenne entre 5 et 7 kilomètres d’altitude. Constitués presque exclusivement de cristaux de glace, ils apparaissent sous la forme de nuages séparés, se présentant soit en filaments blancs et délicats, soit en bancs ou en bandes étroites blanc ou en majeure partie blanc. Les cirrus ont un aspect fibreux (chevelu) ou un éclat soyeux. Ils peuvent provenir de l’enclume de cumulonimbus et de traînées de condensation issues des avions volant à haute altitude.

1 – “Barbes de chat aux nuages / Annoncent de vent grand tapage”

Ce dicton fait mention des ciruus issus de l’enclume du cumulonimbus, ce nuage donnant à son passage un grain violent.

2 – “Cirrus du matin / vent du soir / Cirrus du soir, vent du matin.”

Ce dicton exprime que l’arrivée de la partie active de la perturbation (donc du vent) est décalé, à nos latitudes et pour une perturbation classique d’Ouest, d’un dizaine d’heures après l’apparition des premiers cirrus.

3 – “Nuages étendus et fouettés / Annoncent un vent frais en tête.”

Ce très intéressant dicton relie habilement un évènement d’altitude à une dégradation future des condtions météorologiques au niveau de la mer. En effet tout ce qui se passe dans les basses couches de l’atmosphère n’est que le reflet fidèle de ce qui se passe en altitude.

Des cirrus très effilochés, étendus, tourmentés, sont en général le signe que des vents forts sont présents à leur niveau. Cela donne une indication sur l’activité de la perturbation qui arrive : plus les vents d’altitude seront forts et plus la perturbation sera virulente. Très judicieusement, le cirrus est appelé en breton “Gweleavel“, ce qui veut dire “lit du vent”, ce qui se passe de commentaire.

Un autre dicton indique l’importance que revêt la direction d’où arrivent les cirrus.

4 – “Nuages en bandes s’allongeant et légers très s’élevant / S’ils naissent au Nord va le cul nu / prends ton caban s’ils naissent au Sud.”

En effet, bien que les directions indiquées soient un peu grossières, c’est le suroît qui amène en général la pluie alors que les vents de Nord sont plutôt secs et froids.

Immédiatement après le passage des cirrus, apparaissent dans le ciel les Cirrostratus (Fig. n° 3)

Fig. n° 3 - Cirrostratus

5 – “Cerne à la lune / N’abats jamais mât de hune / Car le capitaine le voyant / Attend gros temps”.

6 – “Soleil cerclé, dans les 24 heures / toile à rentrer.”

7 – “Couronnes doublées autour du soleil / Tempête prochaine”.

8 – “Cercle à la lune le soir / Vent et pluie à minuit / On va sentir et voir”.

L’expérience des anciens navigateurs est manifeste au travers de ces quelques dictons, car les marins avaient constaté que l’apparition du “cercle” autour de la lune ou du soleil était suivie non seulement par la pluie, mais également par du gros temps.

Une fois le cirrostratus observé, on peut être assuré d’aller vers la perturbation et il ne faut donc pas être étonné d’observer ensuite l’apparition de l’Altostratus (Fig. n°4). C’est un nuage en couche, qui se forme à une altitude moyenne de l’ordre de 3 à 4 kilomètres. Il peut se présenter sous forme d’une masse nuageuse grisâtre ou bleuâtre, d’aspect fibreux ou uniforme couvrant entièrement ou partiellement le ciel et présentant des parties suffisamment minces pour laisser voir le soleil vaguement comme au travers d’un verre dépoli. Contrairement au cirrostratus, il ne donne jamais de phénomène de halo. Ces deux particularités optiques permettent de reconnaître à tous coups l’altostratus. Son observation constitue à vrai dire l’entrée dans la partie active de la perturbation avec l’arrivée très rapide des pluies et surtout un fraîchissement notable du vent (le baromètre indiquant une baisse de plus en plus rapide).

Fig. n° 4 - Altostratus

9 – « Avec pâle lumière à son lever / Soleil restant sous nuage caché / Ou se montrant rouge sanglant / Mauvais temps.»

10 – « Soleil ou lune voilés / Ou sous nuages cachés / Venant après cerclés / Pluie et vent assurés. »

11 – « Quand Suroît le doux se fâche / Souvent il devient fou. »

Malgré toutes ces remarques, il existe peu de dictons qui se rapportent à ce type de nuage. Et comme il faut faire preuve d’originalité, nous proposerons un nouveau dicton qui comblera un vide… en espérant qu’il passera à la postérité !

“En général à l’approche de la perturbation, le vent s’oriente au sud puis au suroît en fraîchissant.”

Le « doux Suroît » est ici une référence thermique qui réagissant aux circulations d’air océanique donne une température douce. Quant au «gentil suroît», il vaut mieux s’en méfier car à nos latitudes, en toutes saisons, une tempête peut se déclencher.

Passé ce stade de l’observation, la perturbation est en pleine activité avec pluies, crachins, vents forts et mer forte. Le baromètre continue de baisser jusqu’au passage du front chaud, marque ensuite un palier dans le « secteur chaud » et commence enfin à amorcer une hausse à l’arrivée du front froid. Jusqu’alors les nuages observés étaient des nuages en couches, c’est-à-dire que leur développement horizontal était très supérieur à leur développement vertical. Avec l’arrivée du front froid, cette caractéristique va changer et nous allons maintenant nous intéresser à des nuages dont le développement vertical l’emporte sur le développement horizontal.

L’apparition des cumulonimbus annonce l’approche du front froid et la saute de vent très rapide au noroît avec renforcement notable de la force du vent, atteignant souvent le coup de vent, parfois la tempête surtout en hiver.

12 – « Dans un coup de vent de suroît / Veille l’aube et la saute au noroît. »

Le Cumulonimbus (Fig. n° 5) est un nuage dense et puissant, à extension verticale considérable, en forme de montagnes ou d’énormes tours. Une partie au moins de sa région supérieure est généralement lisse, fibreuse ou striée et presque toujours aplatie ; cette partie s’étale souvent en forme d’enclume ou de vaste panache. Au-dessus de la base de ce nuage, souvent très sombre, il existe fréquemment des nuages bas déchiquetés, soudés ou non avec elle, et des précipitations souvent intenses sous forme de grain.

Fig. n°5 : Cumulonimbus

13 – « Quand le bord des nuages frangera / Grand frais de vent donnera. »

14 – « Quand aux nues on verra enclumes et bigornes / Grand vent soufflera dans les formes. »

15 – « Tonnerre en bruit continuel / Annonce fort vent sans pareil. »

16 – « Petit nuage, effilé, solitaire / Dans un ciel bleu et d’allure bon enfant / Marin, veille au grain blanc. »

Ce dicton rappelle uniquement le renforcement du vent au passage du cumulonimbus.

Ici, on décrit l’aspect du sommet du nuage souvent en forme d’enclume qu’il faut observer à distance car lorsque le nuage se rapproche, la base est entourée de nombreux nuages qui empêchent la localisation de l’enclume ; et, souvent, il est trop tard pour éviter le grain et les fortes rafales de vent qui s’y rattachent.

Une fois le front froid passé, nous allons nous trouver dans la « traîne » de la perturbation, c’est-­à-dire dans un ciel changeant où éclaircies et grains se succèdent dans un courant de noroît donnant des vents forts. Le baromètre remonte à toute vitesse. Des lignes de grains se forment donnant dans le cas de forte instabilité des orages. La ligne de grains orageux peut être masquée par de nombreux nuages et seule l’audition des coups de tonnerre permet de la déceler, annonçant bien sûr un renforcement du vent au passage de la ligne.

Rappelons que pour un observateur, le mot « grain » désigne un ensemble de manifestations météorologiques dont la plus caractéristique est un accroissement brusque et momentané de la vitesse du vent (souvent de l’ordre de 20 à 30 nœuds) qui est en général accompagné d’un changement de direction (de l’ordre de 45 à 90 degrés).

On distingue différents types de grains :

– Lorsque le grain est provoqué par un cumulonimbus qui ne précipite pas, on observe un grain de vent. Ce grain est perceptible aux différents enregistreurs car il entraîne une hausse brutale de la pression (quelques dixièmes de millibars), une diminution brusque de la température de l’air (de quelques degrés), une augmentation brutale de l’humidité (de l’ordre de 10 %).

– Lorsque le cumulonimbus précipite, le grain est appelé selon la nature de la précipitation : Grain de pluie, de neige, de grêle.

– Lorsque le cumulonimbus donne lieu à des phénomènes orageux (tonnerre ou éclairs), il est appelé grain orageux.

– Dans certains cas, assez rares, le grain peut survenir sans cumulonimbus présent, par ciel clair ou peu nuageux. Il s’agit alors du grain blanc.

C’est ce que rappelle le dicton.

Il arrive que des nuages du type Cirrus s’échappent de l’enclume d’un cumulonimbus, et pris dans les vents d’altitude souvent très forts, soulignent avant son arrivée la présence du nuage dangereux.

17 – « Nuages étirés et déchiquetés / Voilure haute à ariser. »

18 – « Ciel maquerellé et queue de juments / Feront serrer la toile aux vaisseaux les plus grands. »

19 – « Soleil en haubans dans le couchant / Marin, prépare ton caban. »

20 « Soleil avec haubans, pluie ou vent. »

21 – « Grain crevé par en dessous / Perd sa rage par son trou. »

Lorsque le grain se présente, l’horizon se bouche rapidement, le ciel prend un aspect menaçant, avec une base du nuage tourmentée matérialisant les forts remous atmosphériques. L’observation à distance d’un grain est possible. Il arrive qu’au couchant, les rayons solaires parviennent à filtrer au travers des trouées du cumulonimbus, donnant ainsi une vision caractéristique du grain qui apparaît très sombre à l’arrière des rayons du soleil. La précipitation une fois déclenchée, on arrive au stade de dégénérescence du cumulonimbus et au fur et à mesure il perd de sa vigueur.

Au fur et à mesure que le front froid s’éloigne, la traîne perd en général de son activité, et les cumulonimbus font place aux Cumulus (Fig. n° 6).

Fig. n° 6 : Cumulus

Ce sont des nuages séparés, généralement denses et à contours délimités, se développant verticalement en forme de mamelons, de dômes, de tours, dont la partie supérieure bourgeonnante ressemble souvent à un chou-fleur. Les parties éclairées par le soleil sont le plus souvent d’un blanc éclatant. Leurs bases, relativement sombres, sont sensiblement horizontales.

On distingue parmi les Cumulus :
– Les cumulus humilis caractérisés par une faible extension verticale et paraissant généralement aplatis. Ils ne donnent pas de précipitations et sont souvent appelés « nuages de beau temps ».
– Les cumulus mediocris caractérisés par une extension verticale modérée et dont les sommets présentent des protubérances et des bourgeonnements peu développés. Ils ne donnent pas en général de précipitation.
– Les cumulus congestus, fortement bourgeonnants, à contours généralement bien découpés et ayant souvent une extension verticale importante. Leur région supérieure bourgeonnante a fréquemment l’aspect d’un chou-fleur. Ces cumulus donnent des précipitations. Ils évoluent souvent en cumulonimbus.

Les averses qui se produisent souvent dans un ciel variable avec de larges éclaircies seront souvent accompagnées dans la journée d’arcs-en-ciel très typiques du secteur de traîne.

22 – « Vent de noroît, balai du ciel / Beau temps après arc-en-ciel. »

23 et 24 – « Cumulus bourgeonnants / Annoncent beau temps. »

Ces deux dictons font état du temps de traîne atténuée. Comme la pression continue sa hausse, le vent de noroît demeure assez fort et semble chasser les nuages du ciel. Au fur et à mesure, les cumulus deviendront « mediocris », puis « humilis » et la dorsale s’établira ramenant le beau temps inter-perturbation.

A l’approche de la dorsale, le vent en faiblissant s’oriente en général au nord et comme les averses de la traîne ont lavé le ciel, la visibilité est toujours excellente.

25 – « Horizon net et clair / Vent de nord, bonne affaire. »

Le beau temps est de retour… en attendant l’arrivée de la prochaine perturbation. Le cycle des proverbes et dictons recommencera.

La grande limpidité du ciel est interprétée par de nombreux proverbes comme un signe de dégradation.

26 – « Grande visibilité / Eau annoncée. »

Cela peut s’expliquer en mer, par le fait qu’une fois l’axe de la dorsale passée, les vents retournent au suroît, ce qui n’est jamais bon signe.

Le comportement des oiseaux marins est également à observer. C’est un fait bien connu des navigateurs que certaines espèces d’oiseaux (les mouettes en particulier) cherchent refuge à l’intérieur des terres lorsqu’arrive du mauvais temps. Faut-il voir dans ce comportement le fait que les animaux ont des sens plus développés que ceux de l’homme, ce qui leur permet de capter des indices précurseurs à l’arrivée du mauvais temps.

27 – « Bandes d’oiseaux de mer se réfugiant à terre / Tempête va venir de forte manière. »

Dans la marge de la perturbation on trouve du côté du secteur chaud, des nuages typiques tels que le Cirrocumulus (Fig. n° 7) et l’Altocumulus (Fig. n° 8).

Le Cirrocumulus est un nuage qui se présente en banc, nappe ou couche mince de couleur blanche, composé de très petits éléments en forme de rides, de granules disposées plus ou moins régulièrement. Les cirrocumulus sont constitués presque exclusivement de cristaux de glace. Ils peuvent donner des irisations. Ces nuages ont souvent une apparition rapide et se situent entre 5 et 7 kilomètres d’altitude.

Fig. n° 7 : Cirrocumulus

L’Altocumulus se présente de la même manière sauf qu’il se situe aux alentours de 3 kilomètres d’altitude et que sa couleur tire sur le gris. La présence de ces nuages est un indice d’instabilité de l’air à leur niveau. Comme les précédents, ils ne restent pas longtemps dans leur aspect d’origine. Cela a malicieusement amené le proverbe très connu :

28 – « Ciel pommelé, femme fardée / Ne sont que de courte durée. »

Fig. n° 8 : Altocumulus

En dehors de la perturbation, des situations particulières ont amené l’énoncé de certains dictons.

– Phénomène de brise

La brise est un vent thermique qui prend naissance le long des côtes et en dehors des courants perturbés.
De jour, la brise de mer se lève dès que l’ensoleillement est suffisant pour réchauffer le rivage. La direction de la brise tourne avec le soleil et le maximum de vitesse est atteint dans la période du maximum de température du littoral, c’est-à-dire en cours d’après-midi. La nuit le phénomène s’inverse et la brise de terre prend naissance dès que la température du littoral baisse et devient inférieure à la température de l’air marin.

« Dans les beaux jours d’été / Et d’un bel appareil / Le vent tourne avec le soleil. »

Le dicton ne fait qu’énoncer parfaitement le phénomène de la brise de mer. Un autre dicton prend plus un sens de prévision concernant la direction de la brise.

« Lorsque le vent contre le soleil tourne / Ne t’y fie pas car bientôt il retourne. »

– Vent de Nord – Est

Sur les cotes de l’Ouest-Bretagne, le vent de Nord-est a une caractéristique particulière qui le fait ressembler à un vent thermique. En effet, lorsque le Nord-est est bien établi (ce qui arrive souvent au printemps et en été pour des périodes assez longues), ce vent est nul en cours de nuit, commence à souffler au lever du jour, s’accélère progressivement et atteint son maximum l’après-midi, conserve la vitesse alors acquise jusqu’en début de soirée et disparaît totalement vers l’heure de coucher du soleil.

« Vent de Nordet / Jour il fraîchit / La nuit se tait. »

Ce rapide survol de quelques dictons météorologiques n’a pas la prétention d’avoir tout dit. Il existe encore foule de proverbes qu’il vous faudra comprendre pour pouvoir les utiliser au mieux…

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